Extrait du Journal "Ouest France" du 16 mai 2012.
"Quand les cordistes chassent les oeufs de goélands"
"Reportage
L'équilibriste des temps modernes se livre à une danse surprenante sur le toit de cette entreprise d'électricité, route de Lorient. Casqué, le technicien cordiste Guillaume Gallais, de la société bettonnaise Get up, marche comme un funambule. Devant lui, accroché à un harnais, son collègue François Auxietre mène la revue. Ce matin, ils débusquent les nids des goélands. Quelques mètres plus bas, la nacelle rouge les attend. Le ballet ne fait que commencer. Daniel Gosmat, agent de salubrité à la ville de Rennes, jumelles sous le bras, a déjà repéré un autre nid sur une toiture voisine. Le « chasseur » a l'oeil très fin. C'est sa 17e campagne de stérilisation des oeufs de ces oiseaux marins. Les goélands argentés, il les connaît (très) bien.
Le premier en 1975
Depuis début avril, l'expert monte sur les points culminants de la ville pour trouver les nids. La cathédrale, l'hôtel de ville, les Horizons, la Sécurité sociale, l'Éperon... Daniel Gosmat n'a pas le vertige. Rien que d'un coup d'oeil, il est capable de dire l'adresse où logent les couvées « indésirables » grâce à la présence du mâle « guetteur ». « Le premier goéland est apparu à Rennes en 1975, rappelle Sylvie Paumier, technicienne au service santé-environnement de la ville. Quelques couples se sont ensuite installés. Dans les années 1990, plusieurs Rennais ont fait des réclamations. Les goélands dérangent surtout par le bruit, les souillures. Ils engendrent aussi un sentiment d'insécurité quand ils attaquent. » Leur population est estimée à environ 250 spécimens à Rennes. Une colonie de goélands tournoie dans le ciel. Après avoir envahi le centre-ville, les oiseaux ont migré vers la périphérie. Où ils sont de plus en plus présents, en particulier la zone industrielle de la route de Lorient et la zone de Saint-Grégoire.
« Le gîte et le couvert ! »
Mais pourquoi retrouve-t-on des goélands à 70 km de la côte ? « Ici, ils trouvent tout, le gîte et le couvert ! », plaisante Sylvie Paumier. « Il y a aussi des goélands à Paris et Lyon, ajoute Bernard Cadiou, coordinateur « oiseaux marins » à Bretagne vivante.Ils sont arrivés en ville car, dans les années 1970-1980, le milieu naturel saturait. Les sources et les choix de nourriture y sont plus nombreux. » Sur le toit plat, le cordiste avance. Le pouce sur le pulvérisateur et un coup de pschitt sur les trois oeufs tachetés gris. Ils deviennent blancs quelques minutes. « C'est un mélange de paraffine et de formol, explique l'agent municipal Daniel Gosmat. Le premier produit bouche les pores de l'oeuf et empêche l'embryon de se développer. Le formol permet de conserver l'oeuf en l'état. Le goéland continue de couver et ne s'aperçoit de rien. »
Lundi, premier jour de la campagne en coeur de ville, 17 nids ont été traités. Aujourd'hui, les cordistes terminent leur traque en périphérie. En 2011, 94 nids avaient été recensés. Soit 243 oeufs. « Nous serons sur les mêmes chiffres cette année »,prédit Daniel Gosmat, qui, dans vingt-cinq jours, repartira pour la deuxième phase de la campagne. « Nous traitons alors les nids où la ponte n'est pas complète, où il y a deux oeufs au lieu de trois. C'est la ponte habituelle. » Chaque année, cette mission coûte 5 500 € à la Ville. « La situation est paradoxale. La population des goélands décline en milieu naturel et prospère en ville. Les plus grosses colonies de goélands argentés vivent en milieu urbain. Les opérations de stérilisation ne doivent être autorisées que si l'espèce n'est pas mise en péril », met en garde Bernard Cadiou, de Bretagne vivante. Arrêt sur image : un goéland passe."
Ouest France 16/05/2012 Soizic QUÉRO
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